Lettre à marie de l’incarnation

  • Première écrivaine de la Nouvelle-France, Marie Guyart (1599-1672), dite de l’Incarnation, rédige quelque 13 000 lettres au cours de sa vie à Québec. Envoyées en Europe à son fils Claude Martin, à ses compagnes ursulines ou à certaines amitiés, ces relations dressent la chronique de la naissance de Québec. La romancière Anne Guilbault a lu avec émotion l’une de ces lettres, adressée le 7 octobre 1669 à Mère Cécile de Saint-Joseph, supérieure des Ursulines de Mons.

Le printemps prend possession du Vieux-Québec en ce matin du 18 mars 2022. La douceur de l’air allège mon pas. Je suis invitée à vous lire, Marie Guyart, à me pencher sur l’une des milliers de lettres que vous avez écrites en Nouvelle‑France, et dont quelques-unes sont conservées précieusement au Monastère des Ursulines.

Vous venez à ma rencontre à l’intersection de la rue d’Auteuil et du chemin Saint‑Louis. Vous me guidez jusqu’à la porte rouge du 18, rue Donnacona, petite rue ombragée et sereine.

À l’intérieur, la beauté des lieux m’accueille. Le bois. La pierre.

Je pose les yeux sur votre lettre à Mère Cécile de Saint-Joseph, supérieure des Ursulines de Mons, datée du 7 octobre 1669. La densité de votre écriture fine et élégante est ce qui me touche d’emblée. Et le fait que le mince papier soit entièrement recouvert de vos mots tracés à l’encre sépia, recto verso.

Soudain, les XVIIe et XXIe siècles ne semblent séparés que par un océan à traverser sur un navire. Votre vie de missionnaire s’anime devant moi. Votre foi vibrante. Le développement de la ville de Québec, qui ne comptait que cinq ou six habitations à votre arrivée ! Vous racontez aussi qu’une explosion accidentelle a eu lieu, qu’un mari et son épouse enceinte ont été miraculeusement tirés vivants des décombres de leur maison, et que le bébé né ensuite était en parfaite santé ! Je mesure dans vos mots la force de caractère qu’il vous a fallu pour venir vous établir en cette lointaine contrée, et l’esprit d’entreprise qui fut le vôtre.

Quand je replonge dans la vie animée du Vieux-Québec, encore habitée par votre récit, je suis certaine que vous me suivez d’un regard bienveillant, Marie de l’Incarnation, aventurière, missionnaire et femme de lettres. Et c’est l’admiration qui rend mon pas léger, cette fois, dans la lumière du printemps.

 

Anne Guilbault

Crédit photo artefact : Pôle culturel du Monastère des Ursulines

 

Anne Guilbault

Anne Guilbault a publié plusieurs romans et nouvelles en Belgique et au Québec. Elle est l’autrice, notamment, des romans Joies (XYZ, 2009 ; BQ, 2015), finaliste au Prix littéraire des collégiens en 2010, Les métamorphoses (XYZ, 2015) et Pas de deux (XYZ, 2016), finaliste au Prix de création littéraire 2017 (Bibliothèque de Québec/Salon international du livre de Québec). Son dernier roman s’intitule L’oiseau-grenade (Leméac, 2022). Elle y aborde les thèmes de la guerre, de la migration et de l’exil.

Crédit photo : Chantale Gingras