Lumières d’écriture

  • Depuis sa fondation en 1848, L’ICQ (Institut canadien de Québec) fait rayonner la littérature et la culture québécoises. Sa bibliothèque et ses salles de lecture ont connu plusieurs adresses dans le Vieux-Québec jusqu’à l’ouverture de la Maison de la littérature en 2015. Le poète Mattia Scarpulla, reçu en résidence d’écriture en avril 2021, constate la densité de ce lieu à travers le temps, frémissant de présences dédiées au savoir et à la littérature.

La mémoire se constitue de pas, et aussi de leurs traces, après que les pieds et les visages aient été oubliés. Pendant un siècle et demi, des mots et des gestes se sont tissés pour créer des bibliothèques, pour que leurs portes s’ouvrent aux désirs inassouvis d’histoires. Des mains ont déplacé des milliers de livres, de la Maison Simard à la Maison Bilodeau, de l’Hôtel de Ville jusqu’au temple Wesley, métamorphosé en Maison de la littérature. Les mains des usagères, des usagers et des commis manipulant les livres s’imprègnent-elles des fragrances et des particules de qui les ont déménagés ? Les mains répètent-elles des rituels, accompagnant des dialogues, se faisant l’écho des vies disparues sous les pierres ? Une multitude de pas montent et descendent les marches, résonnent dans le silence avec les mouvements transparents des fantômes. Les yeux fermés, je m’appuie à la paroi blanche pour retrouver la fraîcheur de ces présences. Un spectre me murmure une phrase de Marie-Claire Blais, je lui réponds avec un vers d’Alda Merini, que j’imagine assise dans un fauteuil près de moi. Mon dos explore le granit, cherchant un appui plus profond, sous lequel j’espère ressentir une assise plus ancienne. Je suis dans mon présent, habité par mémoire-oubli de mes origines italiennes, projeté vers un avenir inconnu, modelé de mémoire-oubli québécois. Pas de nostalgie. Que du désir. En conversation avec le spectre, je recommence à gravir et à descendre les marches de la bibliothèque, ce vortex de corps, de pierre et de papier.

Crédit photo artefact : Nadia Morin

 

Mattia Scarpulla

D’origine italienne, Mattia Scarpulla vit au Québec. Il a publié de la poésie, de la prose et des articles. Parmi ses livres : Au nord de ma mémoire, recueil de narrations poétiques, et le roman Errance (Annika Parance Éditeur, 2020 et 2021). Il a codirigé avec Sophie-Anne Landry l’anthologie Épidermes (Tête première, 2021). Il est titulaire d'un doctorat en Art-danse (Université Côte d'Azur, Nice) et d'un doctorat en études littéraires - volet recherche-création (Université Laval). Ses recherches sont soutenues par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture. Il anime des ateliers somatiques d’écriture. Il est directeur littéraire pour la maison d’édition Tête première – Productions Somme toute, et membre du conseil d’administration du Centre québécois du PEN international.